Que serait l'existence sans échecs?
Que serait la vie sans ses drames?
Que serait-elle sans égarements?
Perdue de la naissance à la mort,
L”humanité accumule les erreurs.
Elle cherche un chemin en aveugle
Sur une route d'argile gorgée d'eau.
D'égarements naissent d'autres égarements.
La réussite ou son illusion suivent.
Mais le chemin est traitre.
L'échec toujours proche.
La Sphère tourne par accident.
La vie, condamnée à flétrir
Se débat en cherchant un sens
Puis renait dans l'ignorance.
Echecs, égarements, drames.
Tout semble ficelé, tout orchestré
En un parfait désordre symphonique
Sans chef ni sans raison.
Or, conscient de ce fait,
Le sage tombe
Mais jamais ne s'enfonce.
Plongée
dans le reflet de son propre regard, prisonnier du verre incrusté au mur
de sa cellule, Tialine Mirell cherchait à faire le point sur la journée
qui s'annonçait. Une fois encore, la nuit lui avait paru bien trop
longue, le royaume de Nelsira lui étant resté fermé jusqu'aux premières
lueurs de l'aube. Elle n'était pas insomniaque pourtant. Mais il y avait
tant à faire ! Tant à apprendre et tant à oublier ! Son propre regard
la mettait mal à l'aise. Plus elle le regardait, plus il lui paraissait
irréel, impersonnel. Ces yeux marrons étaient ceux d'une inconnue. Ce
nez droit, ces lèvres fines, ces cheveux bouclés encore décoiffés.
Etait-ce vraiment elle en face? Elle se faisait peur parfois.
Comme
à son habitude, son maître s'était éclipsé avant le lever du jour pour
accomplir son rituel quotidien. Elle ne comprenait pas toujours son
maître, avec ses coutumes étranges et sa prudence excessive. Au moins
faisait-il preuve de patience à son sujet mais son attention frôlait
trop souvent l'exagération. A croire qu’elle n’était qu’une gamine !
Elle
se détourna de son regard. Il arrivait un moment ou cela lui était
insupportable. Pendant un instant elle se demanda qui avait
véritablement cédé. Etait-ce elle même ou bien la fille de l'autre côté
du miroir?
Son attention se tourna alors vers la fenêtre. La journée s'annonçait particulièrement belle.
L'espace
d'un clignement de paupières, une hirondelle traversa devant la mince
ouverture qui inondait la pièce d'un éclat doré, se faufilant depuis les
cieux. Les idées dans le vague, Tialine s'approcha de la fenêtre. La
ville se révéla à elle une fois encore. La vue était différente depuis
les chambres de l'ancien palais de Valdèra.
Valdèra,
comme beaucoup de villes de l'Empire, se relevait de ses années sombres
de guerres. Elle était autrefois débordante de richesse, accueillant
l'élite parmi les sages et les lettrés venus des pays les plus reculés
du monde. Certains y venaient pour admirer ses splendeurs, d'autres pour
chercher des réponses entre les murs de sa fameuse bibliothèque, le
joyau de Torvala, accolée à son académie. Deux cent ans s'étaient
écoulés pour les valdèriens. Deux cent années sans le moindre trouble
extérieur. Mais la paix ne durait qu'un temps. Les armées de la nation
frontalière de Tetrace, en guerre avec le royaume de Torvala, prirent
plusieurs fois la cité, saccagèrent ses merveilles et brûlèrent ses
ouvrages. Une bonne partie du savoir de la ville fut emporté par les
flammes ne laissant de sa splendeur que des vestiges épars. La cité fut
par la suite reconstruite avec le peu de ressources qu'il lui restait,
s'adaptant aux anciens édifices dont le savoir fut lui aussi égaré.
Ainsi, présentait-elle ce mélange particulier d'architecture ou les
reliques divines d'un autre temps se trouvaient mêlées à un art plus
rudimentaire. Etrangement, le palais de Valdèra avait été le moins
touché, si on excluait la malheureuse disparition des quatre vingt cinq
statues à caractères divins, qui accompagnaient tout visiteur dans son
ascension des marches jusqu'au palais de l'Empereur. Cela faisait déjà
quelques années qu'il n'y avait plus trace du moindre empereur à
Valdèra, or, le palais avait été investit par les odalistes.
C’était
ce qu’elle avait apprit dans les livres. Elle n'avait pas connu la
guerre, heureusement. Son maître non plus semblait-il. Mais les
blessures étaient toujours présentes, côtoyant la crainte de ces jours
sombres.
Un
cavalier s'arrêta devant le palais pour sauter de son cheval sans se
préoccuper de le confier à quiconque. Il passa les gardes, brandissant
haut sa lance bardée de plumes à la hampe. C'était un messager de la
déesse et les plumes, celles d'un hibou, chargeaient le porteur d'une
missive d'une extrême importance. Tialine le savait, nul ne l'arrêterait
dans sa course jusqu'au Telodaste.
Une
fois encore de mauvaises nouvelles en provenance de l'ouest. Pourtant,
Tialine s'en moquait éperdument. Rien ne lui importait plus que de
pouvoir poursuivre son apprentissage. Sa motivation pour devenir
odaliste ne venait pas d'un souhait de faire justice, ni du prestige que
cela pouvait engendrer. Ce n'était pas entièrement non plus l'influence
de son père, odaliste de renom siégeant auprès des sages du palais de
Valdèra. Non, c'était une curiosité. La curiosité d'en apprendre plus
sur les comportements, sur les motivations de tout un chacun. Elle
voulait percer les secrets de la raison. C'est ainsi que son intérêt
s'était porté sur les égarés, les chiens enragés incontrôlables qui
soulevaient en elle d'innombrables questions. Ces individus que les
odalistes traquaient et jugeaient sans délais détenaient certainement la
clé de ses interrogations.
Hélas,
elle savait que le conseil voyait ses motivations et ses idées de
recherches sur la raison d'un très mauvais oeil. Son père lui même
l'avait mise en garde sur le danger de ce qu'il considérait comme une
lubie passagère. Le conseil n'avait certainement pas décidé par hasard
qu'elle, soit disant brillante, fut mise sous l'aile d'un odaliste aussi
impopulaire et dévot qu'Eldrim Alven. Et un Frère de Sens, par dessus
le marché ! Mais le conseil s'était trompé en pensant que ce dernier la
persuaderait de changer. Eldrim n'était pas du genre à imposer sa vision
du monde et son rapport avec les dieux ne l'empêchait pas d'être plus
ouvert d'esprit que ses ennuyeux supérieurs.
Quelqu'un
entra brusquement. Tialine se retourna, surprise, s'apprêtant à
sermonner quiconque osait débouler sans avoir la politesse de frapper.
-« Tialine ! Qu'est ce que tu fabriques? Ca fait bien une heure qu'on t'attend !
(work in progress)
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